BALADE A TRAVERS LA FORÊT ROUSSE
Entre chien et loup, Drizz marchait dans la plaine. Il était
de passage entre deux villes du Cormyr, villes qu'il n'aimait pas fréquenter,
mais utile pour se remettre des nombreux trajets qu'il faisait de préférence à
pied. Cette foi-ci, fois il était parti de « Callmyrie » et allait sur les
contreforts « d'Alster », bastion des forges naines. Pour ce faire, il devait
traverser la forêt « Rousse » et un des rares ponts de "l'Yriade aux flots
bleus", une petite rivière qui coupait la forêt en deux du sud vers l'ouest. Il
pensait prendre le pont du "Coude", peu emprunté, car connu comme vétuste. Les
chariots et les troupeaux ne l'empruntaient pas. Même à cheval on ne s’y
risquait pas, car le pont était très étroit. Les nuages dans le ciel
s'effilochaient en laissant place aux étoiles et à la pâle lumière de la Lune.
Il traversa un pré, se présenta à l'orée du bois et pénétra par un chemin étroit
dans l'humidité des frondaisons. Les feuilles allaient du pourpre à l’orangé,
semblerait-il , lié une acidité du sang des dragons morts, qui auraient vécus
dans les temps anciens dans cette forêt rousse. Les ombres jouaient dans les
branchages et les feuilles, les éclats de lumière pâle de la Lune marquaient les
troncs couverts de lichen , et le sol tapis de feuilles ou d'une sorte de
fougère jaunâtre. Le sol était de plus en plus humide, Drizz se rapprochait de
la rivière. Il voyageait toujours seul, son appartenance aux Elfes noirs, le
rendait incompris face aux humains qui étaient majoritaires dans la contrée.
Certes , il se rendait dans une agglomération Naine, mais , chez eux aussi , les
Elfes noirs n'étaient pas les bienvenus. Les raisons en étaient justes, les
Elfes noirs étaient connus pour leur barbarie et leur sauvagerie sans borne.
Drizz n'était pas comme cela, mais, chaque fois qu'il rencontrait une entité
humaine , il devait prouver sa bonne fois ; cela le lassait, d'où son isolement
dans les lointaines contrés sauvages du Cormyr. Il se rapprocha du pont,
quelques torches étaient allumées et brillaient dans la nuit. Les bruits de la
forêt étaient atténués, seul l'eau boueuse courrait , et le courant sauvage
prouvait qu’il avait dû pleuvoir sur les contreforts de la montagne. Il longea
la berge des ombres, des masses sombres flottaient dans le courant ; enfin, le
pont de bois se présentait devant lui. Il portait bien son nom , la rivière
faisait un coude en cet endroit pas trop large. Pas une âme qui vive, ce n'était
pas un lieu très prisé , Généralement , on préférait prendre le pont de la
grande route. La brise et des petits cris le rappelèrent à la réalité de la vie.
Y avait-il danger ? Cela parvenait de l’eau , mais , malgré sa vision nocturne ,
il ne voyait rien. Il entendait bien des cris. Quelqu'un appelait au secours.
Arrivé au milieu du pont, il se pencha et vit une ombre de silhouette résistant
au courant de l'eau. Tout de suite , sans réfléchir , il prit sa corde sous son
piwafi et la jeta pour aider le malheureux en espérant que celui-ci ne fût pas
trop faible pour se maintenir à elle. Il tira, ramenant cet être sur le pont.
Une voix féminine essoufflée lui dit : « Qui que vous soyez , merci.» Drizz
voulut lui enlever sa cape pour la réchauffer et aperçut ses ailes.
– Mais
qui êtes vous ?
– Kashima, répondit-il.
En dessous de sa cape souillée ,
il était tout de blanc vêtu, il resplendissait sous la Lune. Il lui demanda : «
me voyez-vous ?». Votre peau est grise et triste , alors comment ce fait-il que
vous m'ayez sauvé ? Drizz était encore sous le coup de sa beauté, il regarda les
gouttes d’eau perler sur ses cheveux et les plumes de ses ailes. Bêtement , il
demanda :
– Volez-vous?
- Actuellement j'aurais du mal , je suis trop
mouillé, mais , comment ce fait-il que vous me voyiez ? Enfin, à priori oui,
puisque vous m'avez sauvé des flots.
Drizz lui proposa de traverser le pont ,
et de faire un feu sur l'autre berge. Il lui offrit un thé.
– Je vous ai déjà
protégé, dit-il.
– Je n'ai pas besoin d'être protéger, répondit Drizz ; je me
suffis à moi-même.
– Oui, mais, je l'ai déjà fait, précise-t-il.
– En
tout cas , cette nuit , je vous ai sauvé , fini par dire Drizz. Que faisiez-vous
dans cette eau boueuse ?
Il le regarda droit dans les yeux et lui
répondit.
– Je vous attendais Drizz , mais je n'étais pas certain que tu
puisses me voir.
Drizz sourit et lui répondit :
– Je vous ai surtout
entendu, une truie que l'on égorge n'aurait pas fait plus de bruits.
– Mais
, tu m'as sauvé, jeté une corde , une sorte de lien qui maintenant nous unit,
dit-il
– Je vais à Alster, répondit Drizz ; voulez vous vous joindre à moi,
peu de gens supporte les Elfes noirs.
– Ce sera avec plaisir du moins
jusqu'au petit jour si tu es d'accord, répliqua l'ange Mishima.
Drizz ,
depuis longtemps , avait un petit sourire. L'air se réchauffa , ils éteignirent
le feu , se levèrent et partirent en suivant un sentier forestier. Leurs
dialogues étaient gracieux ; pour Drizz , cette nuit était merveilleuse. Avec
son ange, il partagea son savoir du ciel étoilé en regardant à travers les
branches. l’ange était doux, à l'écoute , et quelque part , il lui réchauffait
son cœur et son esprit, il était bien. Ils marchèrent d'un pas léger dans les
futaies, mais la lumière commença à poindre à l'est. À ce moment, Drizz se
libéra , et parla de tout et de rien il était dans une exaltation forte et
commençait à échafauder des projets, des projets à deux… Mais le temps précipita
l’instant ou l'ange s'évaporera dans la lumière du matin de manière inéluctable
; inexorable disparition. Drizz fut surpris , au sortir du bois , de parler tout
seul à voix haute. Son ombre se profilait sur le sol , le soleil était seul à
l'accompagner. Il s'assit dans l'herbe , tout triste , lorsque soudain, il
entendit dans la brise.
« Mon amour , je te suis, je suis ton ange Mishima,
et où tu iras j'irai, peut-être un jour me reverras tu ? En tout cas , sache que
je suis toujours quelque part en toi, bisous ».
Il se leva, et reprit
son chemin d'un air serein. Il avait connu l'amour et peut-être
réapparaitra-t-il un jour. D'ailleurs, au fond de ses poings serrés, il avait
gardé dans une main une plume et dans l'autre une mèche rousse. La plume , il
l'utilisa pour écrire cette ballade dans la forêt, et la mèche Rousse lui
rappela le nom du lieu-dit, dans le comté de Cormyr, une nuit de pleine lune.